Photo de Kyle Loftus, Pexel.

Depuis plusieurs mois, les annonces concernant les réductions d’effectifs ou les dépôts de bilan se multiplient dans le monde des médias. La dernière en date, qui fait état d’une coupure de 547 postes à TVA, devrait tous nous interpeller comme membres d’une société qui a besoin de s’informer pour exercer son droit démocratique. Nous sommes bien sûr solidaires au premier plan avec les travailleurs et travailleuses que cette mesure impacte de plein fouet. À l’échelle humaine, c’est un des pires bouleversements que ces gens auront à vivre.

Mais que faisons-nous comme société pour éviter la désagrégation qui s’accentue dans le monde médiatique ? Comment réfléchissons-nous collectivement à des solutions ? La coupure d’un tiers des effectifs chez TVA est un coup de canon qui devrait tous nous réveiller, car il y a péril en la demeure. Demain, nous pourrions nous lever dans un monde où la pluralité des voix se sera éteinte et où nous dépendrons des réseaux sociaux pour nous parler de la marche de la planète. Souhaitons-nous cela ?

De 2008 à 2021, 450 médias d’information ont fermé leurs livres au Canada faute de pouvoir maintenir leurs activités par manque de revenus. Même ceux qui, apparemment, sont un modèle de réussite de la transition numérique surnagent à peine. Le Washington Post annonce un vaste plan de réduction des effectifs. Plus près de nous, dans les derniers mois, Métro Media, qui assurait l’information locale à Montréal, vient se déclarer en faillite. Idem pour Metroland à Toronto. Plus de couverture des activités politiques, communautaires et culturelles de proximité pour ces deux grandes villes. La CN2i, qui détient les 6 grands hebdos régionaux du Québec, est en posture précaire depuis que Facebook a rompu son engagement et a retiré sa contribution. Le modèle d’affaires basé sur les revenus publicitaires qui fut jadis très rentable et que pratiquent la plupart des médias arrive maintenant à son point de rupture. Et les investisseurs privés se désengagent du secteur qui n’est plus rentable.

Pourtant, l’information issue de médias reconnus est un des piliers de la démocratie. Elle propose au public des faits vérifiés, une éthique professionnelle rigoureuse et garantit ses sources. C’est l’antithèse des fake news. L’information est nécessaire au maintien d’une population impliquée dans sa vie citoyenne, une population consciente, participative et instruite des enjeux qui a la possibilité de faire des choix éclairés. L’information est un bien commun dont on ne peut priver la société. Et ce bien commun est en péril. Il est temps d’agir et de décider de ce que nous voulons et de comment nous allons sauver nos médias et notre droit à être informé.

Des états généraux nationaux sur l’information doivent se tenir dans les délais les plus brefs. Les acteurs de la société civile et des médias doivent réfléchir de concert à des solutions structurantes et pérennes. Car manifestement, les conditions actuelles ne suffisent plus à la tâche. Déjà, la France a annoncé un tel chantier. Nous n’avons plus le temps de tergiverser et d’appliquer de petits pansements sur cette hémorragie massive.

Nous demandons aux gouvernements d’agir avec diligence et de préserver notre écosystème médiatique. C’est essentiel pour tous, mais plus encore pour la vitalité des régions qui sera en grand danger si les moyens de communication ne se déploient plus dans les communautés. Chaque dollar investi dans les journaux, radios et télévisions locaux participe à l’économie circulaire et régionale. Cela crée des emplois, promeut les activités culturelles et communautaires qui soutiennent les salles de spectacles, les restaurants, les rencontres sportives, les initiatives de développement régional, les entreprises, les actions de leurs municipalités et de leurs élu.es ainsi que les mobilisations et revendications syndicales de la région. C’est un liant social. Parce qu’ils ont l’information locale pour les éclairer sur les enjeux qui les concernent, les citoyens peuvent faire entendre leurs voix et leurs choix sur les enjeux qui secouent leur communauté. En région et localement, l’Information est un bien commun, mais aussi un service essentiel.

Annick Charette , Présidente de la Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC–CSN)